Anaxilas II, tyran sportif de Rhégion et de Messine

Situation géographique et historique

Les villes de Rhégion et de Zancle (ancien nom de Messine) ont un destin géographique et historique commun. Messine, à la pointe nord de l’île de Sicile, est un port décrit comme le meilleur dans le monde grec antique avec sa fameuse bande de terre en forme de faucille (d’où le nom de Zancle en langue locale). En face, séparée par un détroit, se trouve la ville de Rhégion sur le continent.

Zancle aurait été fondée par des pirates venus de Cumes, située à quelques centaines de kilomètres plus au nord. Quelque temps après sa fondation, vers -740, Zancle décide d’établir une colonie pour maîtriser le détroit, qui sera située à quelques dizaines de kilomètres : elle s’appelle Rhégion. Ce ne sont pas les ressources naturelles, mais bien le commerce entre la Grèce et le nord italien qui ont incité à fonder ces villes ; elles connaîtront la prospérité grâce à cette situation particulière.

Un champion olympique au pouvoir

Comme pour beaucoup de personnages de l’Antiquité grecque, nous ne disposons que de très peu d’informations sur Anaxilas et sa famille. Anaxilas serait un descendant de Messéniens exilés, installés à Rhégion, au sud de l’Italie. Cette ville était alors dirigée par une oligarchie. Après y avoir pris le pouvoir vers -494, Anaxilas jeta son dévolu sur la cité voisine de Zancle qui était alors sous la coupe de Skythès, un tyran. Anaxilas et des Samiens (originaires de Samos, île proche de la Turquie) s’allient pour envahir Zancle, à la fin de l’année 494 avant Jésus-Christ, et prendre ainsi le contrôle de cette cité. Le plan fonctionne à merveille : la ville passe aux mains des Samiens qui écartent cependant Anaxilas. Quelques années plus tard, en -489, Anaxilas II parvient à expulser ses anciens alliés, les Samiens, et s’empare de Zancle qui devient Messine. À cette date, Anaxilas II règne donc sans partage sur deux cités proches séparées par un détroit.

Le tyran fait aussi preuve de beaucoup de détermination pour montrer sa puissance : il participe aux Jeux olympiques en 480 avant notre ère et remporte la victoire lors de la course de chars, épreuve sans doute la plus prestigieuse.

Les monnaies de Messine et de Rhégion

Les premières monnaies grecques de Zancle, au milieu du VIe siècle avant notre ère, vont être calquées sur le type d’Égine : une représentation de dauphin bondissant accompagné d’une faucille symbolisant la côte à l’avers, tandis que le revers reprend la même représentation mais incuse, qui évoluera en un carré creux orné d’un coquillage rond et strié.

À l’arrivée des Samiens à Zancle, la ville adopte les monnaies originaires de Samos. Ainsi vont figurer une tête de lion de face à l’avers, et un protomé de veau au revers sur les différentes espèces, ainsi que les premières mentions de « Messana » pour Messine.

Pendant quelques années, le tyran Anaxilas garde les monnaies héritées des Samiens, puis à la suite de sa victoire olympique, il fait frapper un type identique à sa gloire pour Rhégion (mention de RECINON) et Messine (mention de MESSENION) : un char, ou plus précisément un bige tiré par deux mules, dont l’aurige semble être le tyran lui-même, accompagné d’une feuille de laurier ou d’une couronne symbolisant la victoire à l’avers ; au revers, un lièvre, animal dédié au dieu Pan, dont le culte est très répandu à Messine.

Après la mort du tyran en -476, les tyrannies s’effondrent les unes derrière les autres en Sicile, mais le type au bige demeure sur les monnaies messines jusqu’en -396, alors qu’il disparaît dès la mort d’Anaxilas à Rhégion. Quelques modifications apparaissent : l’aurige devient la nymphe Messana qui est accompagnée de la déesse Niké. Le passé glorieux de la cité sous la tyrannie est donc mis en lumière presque pendant un siècle !

Extrêmement rares et difficiles à trouver si ce n’est à des prix prohibitifs, ces pièces sont à elles seules la preuve que la monnaie est un beau vecteur de communication. Ce sont aussi des preuves historiques irréfutables d’une époque méconnue.