Un grand graveur du XIXe siècle, Eugène-André Oudiné

Très reconnu de son vivant, Eugène-André Oudiné fait partie des grands graveurs du XIXe siècle. Son travail s’étend du règne de Louis-Philippe au début de la Troisième République. Petit retour sur la vie et l’œuvre de cet artiste.

Éléments biographiques

Né à Paris le 3 janvier 1810, Oudiné montrera rapidement ses goûts et sa vision artistique, ce qui déterminera très tôt sa vocation. Pour la gravure sur acier, il eût comme maître André Galle avec qui il partagea un atelier au 10 rue de la Chaise, à Paris. Pour la sculpture, c’est auprès de Louis Petitot qu’il apprit le métier. Il reçut aussi l’enseignement d’Ingres pour se perfectionner en dessin. En 1831, le jeune Oudiné, âgé de 21 ans, remporta le Premier grand prix de Rome dans la catégorie gravure en médailles ; le sujet qu’il magnifia était « Œdipe donnant l’explication de l’énigme du sphinx ». Parti à Rome comme tous les gagnants, il eût la chance de retrouver Ingres qui était devenu directeur de la Villa Médicis (en poste de 1835 à 1841). Il apprit beaucoup auprès de celui qu’il considérait comme son maître. Il profita également de son séjour romain pour visiter la Toscane et l’Ombrie et découvrir les chefs-d’œuvre antiques. Pour son travail de fi n d’année, il réalisa une superbe copie de la célèbre tête d’Aréthuse, d’après le tétradrachme de Syracuse. De retour en France au début de l’année 1836, il se maria avec Antoinette-Jeanne, fille du peintre Vauthier. Il reçut la médaille de 2e classe au salon de Paris de 1837. La reconnaissance due à ses premiers succès lui assura de nombreuses commandes privées et officielles dans la médaille comme dans la sculpture. En 1846, Eugène-André se présenta à la Commission des Monnaies et Médailles et fut élu face à Antoine-Louis Barye. Il conserva son poste de membre de ce comité jusqu’au 27 février 1885, date de la suppression de cette commission après une cinquantaine d’années d’existence. Chevalier de la Légion d’honneur en 1857, il connut cependant un échec marquant à la fi n de sa vie : s’étant présenté à l’Académie des Beaux-Arts pour succéder au défunt Jacques-Édouard Gatteaux en 1881, les membres lui préférèrent Chaplain. À partir de cette date, Oudiné vit sa santé décliner, ce qui rendit le travail impossible. Le 12 avril 1887, l’artiste décéda à l’âge de 77 ans.

Les réalisations du graveur

Oudiné a réalisé de nombreuses médailles à caractère historique ou célébrant un événement particulier, mais aussi des portraits de personnages célèbres. Leur nombre est conséquent, mais quelques-unes se démarquent par leur esthétique ou par leur importance historique : célébration de l’amnistie de 1839 prononcée par le roi Louis-Philippe, commémoration de la naissance du duc de Berry, hommage au navigateur Dumont d’Urville… L’année 1848 marque un tournant pour notre artiste en ce qui concerne les monnaies. En effet, l’instauration du nouveau régime, la Deuxième République, nécessite de nouvelles monnaies et l’ouverture d’un concours ayant pour thème la République, avec comme consigne de réaliser une tête et non une figure en pied. Quelque 29 candidats proposèrent leur projet lors du premier tour, puis 22 au second tour après le retrait et l’élimination de certains d’entre eux. Le modèle d’Oudiné fut retenu pour la 5 francs argent, tandis que la 20 francs or fut gagnée par Merley. Il déclina sa réalisation gagnante sur toutes les valeurs faciales de cuivre et d’argent (de la 1 centime à la 5 francs), soit neuf monnaies qui furent toutes mises en circulation sous la Deuxième République et dont les modèles furent repris dans les premiers temps de la Troisième République. Oudiné choisit de représenter la République sous la forme de Cérès (déesse romaine de l’agriculture), de profil, tournée vers la gauche. Ce portrait à l’antique porte les cheveux tressés en nattes et enroulés en double chignon accompagné d’une couronne composée d’épis de blé, de feuilles de chêne et d’olivier, ainsi que de fleurs. Elle porte, au cou, un collier de perles et, sur le front, un bandeau portant le mot « CONCORDIA ». Sur les pièces d’argent, Cérès est accompagnée d’une étoile à six branches symbolisant le rayonnement du nouveau régime. Les monnaies seront frappées dans trois ateliers : Paris (lettre A), Bordeaux (lettre K) et Strasbourg (BB). Certaines combinaisons sont extrêmement compliquées à trouver. Oudiné grava aussi des pièces pour l’étranger. Ainsi, il réalisa les monnaies de la République argentine avec une allégorie de la Liberté portant le bonnet phrygien. À noter que l’œuvre d’Oudiné figura sur les monnaies argentines jusqu’au début des années 1960 ! Collectionner les monnaies et médailles d’Oudiné peut être très intéressant, car certaines monnaies sont très communes et donc bon marché. Pour d’autres, très rares, il faudra consacrer un budget conséquent.