11 mai 330, la naissance de Constantinople

Au commencement, Byzance

Selon la tradition, la fondation mythologique de Byzance provient de Byzas, fils du dieu de la mer Poséidon et de Céroessa, fille de Zeus et d’Io, qui serait né à l’emplacement de la ville. Plus sûrement, les historiens et archéologues attribuent à la cité de Mégare, proche d’Athènes, la fondation d’une colonie dans cette région de Thrace, à la pointe nord-est d’une presqu’île formant un port naturel dans la première moitié du VIIe siècle avant Jésus-Christ.

La cité a prospéré en contrôlant l’accès à la mer Noire et a permis aux Grecs d’accéder aux ressources en blé, cire, cuir et esclaves de ses rivages. Son importance stratégique pour les grandes cités grecques, que sont alors Sparte et surtout Athènes, explique que ces puissances cherchent à s’assurer de son alliance. Ainsi, la ville change plusieurs fois de camp durant la guerre du Péloponnèse entre 431 et 404 avant Jésus-Christ. Elle est, un temps, macédonienne sous le règne de Philippe II dès -340, puis sous le règne de son fils Alexandre le Grand entre -326 à -323. Elle retrouve ensuite son indépendance.

La Byzance romaine

Byzance passe sous l’autorité de Rome au Ier siècle de notre ère, mais connaît pour des raisons obscures un déclin économique. La guerre civile, qui suit l’assassinat de l’empereur romain Commode en 192, lui est néfaste. La cité prend le parti de Pescennius Niger, le rival de Septime Sévère. Ce dernier assiège la ville durant trois ans jusqu’à sa reddition en 195 et lui fait payer cher sa résistance. Les destructions sont telles que Byzance n’est plus qu’un simple bourg et se fait supplanter par sa rivale Périnthe. La ruine de la cité est de courte durée, puisque Septime Sévère devenu empereur la rebâtit et l’embellit. Pour autant, Byzance ne retrouve pas son dynamisme et reste relativement discrète dans les sources romaines du IIIe siècle après Jésus-Christ.

Le choix de Byzance

Durant la tétrarchie mise en place par l’empereur Dioclétien pour faire face aux invasions barbares, la cité prend parti pour les empereurs Maximin II Daïa et Licinius dans les guerres qui ravageaient l’empire. Mais c’est un autre tétrarque, Constantin Ier, qui réussit à devenir le seul maître de l’Empire romain en 324 après avoir éliminé ses rivaux. Ce dernier décide de construire une nouvelle capitale proche des frontières, où se joue le destin de l’empire. Il hésite entre Sardique, l’actuelle Sofia en Bulgarie, où il réside en 316 et 317, Ilion, non loin de la Troie mythologique, Chalcédoine, située sur le Bosphore côté asiatique, et Byzance. Son choix se porte finalement sur cette petite cité, et cela n’a rien d’anodin. Contrairement à Chalcédoine, Byzance bénéficie des courants marins favorables du détroit. Du reste, la ville est proche de la frontière danubienne, essentielle pour la sécurité de l’Empire romain. Elle est aussi relativement proche des frontières orientales et se situe à l’extrémité occidentale des routes maritimes et terrestres de la soie.

Une fondation sur la durée

Le 11 mai 330 est une date clé pour Byzance. La tradition condense en une journée un processus de fondation, qui s’étend sur plus de dix ans. Constantin choisit sa nouvelle capitale en novembre 324, peu de temps après sa victoire sur Licinius, son dernier rival, à Chrysopolis, le 18 septembre 324. Lors d’une cérémonie de consécration à Byzance, l’empereur donne un nom à la cité, celui de Constantinople, et trace son périmètre, qui est trois fois plus grand que celui de la cité grecque. Un programme monumental est planifié : il reprend symboliquement les principaux édifices de Rome, avec un Sénat, un Capitole, un forum imposant et un palais impérial. Le cirque romain de Septime Sévère est agrandi et prend le nom d’hippodrome. Pour construire sa capitale, l’empereur attire les ouvriers et architectes par d’alléchantes exemptions d’impôts. Constantin vient souvent visiter le chantier et y réside de 327 à 328.

Dans cette ville en travaux, l’empereur consacre Constantinople aux dieux, le 11 mai 330. Elle devient à cette date la capitale effective de l’Empire, mais il faut attendre encore cinq ans pour que les premiers édifices publics soient achevés. La colonne de Constantin, érigée vers 328 au centre du forum éponyme, symbolise cette fondation. Haute de 50 mètres environ et construite en porphyre rouge, une roche associée par sa couleur au pouvoir impérial, elle repose sur une base carrée. La colonne est surmontée d’une statue de l’empereur, tenant dans sa main droite une lance et dans sa main gauche un globe surmonté d’une Victoire ailée. À cette époque, une procession solennelle a lieu tous les 11 mai au pied de la colonne pour commémorer la fondation de cette « Nouvelle Rome ».

La nouvelle capitale est à l’évidence liée à son fondateur Constantin, qui meurt le 22 mai 337. De nombreux Romains considèrent que Constantinople ne survivra pas à la mort du dirigeant. L’avenir leur donnera tort. L’installation de l’empereur Théodose Ier à Constantinople en 380, pour mieux surveiller les Goths au Nord, assure sa pérennité comme capitale politique, économique et religieuse de l’Empire. La ville joue un rôle important dans la définition des dogmes chrétiens. À l’époque de Théodose, le christianisme, en plein essor, est déchiré entre le christianisme trinitaire, défini par le concile de Nicée en 325, et la doctrine arienne. Sans rentrer dans les subtilités théologiques, l’empereur, défavorable aux Ariens, convoque en 381 le premier concile de Constantinople, qui condamne l’hérésie et affirme la seconde place de l’évêque de Constantinople dans la hiérarchie catholique après l’évêque de Rome.

Le 17 janvier 395, la partition de l’empire consécutive à la mort de Théodose peut être considérée comme une seconde naissance pour Constantinople, puisqu’elle devient la capitale de l’Empire romain d’Orient, que nous connaissons sous le nom d’Empire byzantin. La disparition en 476 de l’Empire romain d’Occident sous les assauts des peuples barbares laisse Constantinople seule capitale et héritière de l’Empire romain originel.

Constantinople et les monnaies

La riche histoire numismatique de Constantinople débute avant sa fondation impériale. La Byzance grecque frappe déjà des monnaies en argent et en bronze. Durant la période romaine et malgré la ruine causée par Sévère, la ville émet des pièces, notamment en bronze, représentant son fondateur légendaire Byzas. En tant que capitale, Constantinople dispose d’un atelier monétaire dès 328 et frappe des types communs à tous les ateliers impériaux. Les premières émissions semblent être de type Roma, avec une Minerve casquée et l’inscription « Gloria Romanorum ». Aucune monnaie ne commémore la fondation de la capitale, mais sa suprématie apparaît de manière allégorique dans les nouveaux types monétaires émis dès la fin du IVe siècle. Ainsi, des médaillons frappés en 360 à Nicomédie, Antioche et Rome représentent l’allégorie de Constantinople, un pied sur la proue et assise seule sur un trône tout en tenant un globe avec une Victoire, qui illustre sa domination dans l’empire.