Le drapeau tricolore, 230 ans d’histoire

La France célébrera en 2024 le 230e anniversaire de l’adoption du drapeau tricolore par la Convention nationale. Emblème de notre pays, il fut longtemps considéré comme l’étendard de la liberté et de la démocratie dans le monde. Son histoire suivit les soubresauts politiques du XIXe siècle avant qu’il s’impose définitivement comme le symbole de la Nation.

Une naissance liée à la cocarde

L’origine du drapeau français est liée à l’adoption de la cocarde tricolore quelques jours après la prise de la Bastille. Le 17 juillet, Louis XVI quitta Versailles pour rendre visite aux révolutionnaires à l’Hôtel de ville de Paris, centre de la contestation populaire de la capitale. Le nouveau maire Jean-Sylvain Bailly l’accueillit et le fi t acclamer au balcon par 100 000 gardes municipaux sous les cris ANNIVERSAIRE Le Serment de Lafayette, à la Fête de la Fédération, le 14 juillet 1790, par Jacques-Louis David, conservé au Musée Carnavalet à Paris. 14 juillet 1790 de « Vive la Nation ». Le Roi accepta d’épingler à son chapeau une cocarde tricolore donnée, dit-on, par le marquis de La Fayette. Le blanc représentait la monarchie, alors que le bleu et le rouge reprenaient les couleurs du blason de la ville de Paris. Leur association signifiait selon Bailly « l’alliance auguste et éternelle entre le monarque et le peuple ». La Fayette aurait eu l’idée d’ajouter le blanc au bleu et rouge déjà portés par les révolutionnaires parisiens. La cocarde tricolore devint un symbole patriotique et connut un vif succès ; elle exprimait l’adhésion de son porteur aux idéaux révolutionnaires. Un an plus tard, les drapeaux firent leur apparition le 14 juillet 1790 lors de la Fête de la fédération au Champ-de-Mars à Paris. L’événement devait sceller l’union de la Nation autour de la personne du roi. L’agencement des bandes était encore horizontal et rappelait beaucoup les couleurs de la Hollande.

Du pavillon de marine au drapeau national

Quelques mois plus tard, l’Assemblée constituante adopta le 20 octobre 1790 un nouveau pavillon maritime national pour les flottes de guerre et commerciales du pays. Il remplaçait le blanc, couleur traditionnelle du roi hissé sur les vaisseaux français. Deux pavillons furent créés par l’ordonnance du 24 octobre 1790 : un pavillon de beaupré pour les cérémonies officielles avec trois bandes verticales rouge, blanc, et bleu, pour éviter d’être confondu avec le pavillon hollandais ; et un pavillon national blanc avec un canton rectangulaire sur la partie haute à gauche reprenant les couleurs du pavillon de beaupré, entouré d’un double liseré, intérieur blanc et bleu et extérieur rouge. Ce pavillon tricolore devint le premier emblème national. L’ordre des couleurs fut définitivement fixé par la Convention nationale qui légiféra le 15 février 1794 (27 pluviôse an II) sur un nouveau pavillon : « bleu au mât, blanc au centre et rouge flottant » disposés verticalement en trois bandes égales. L’Assemblée chargea le peintre Jacques-Louis David de le dessiner et il orna rapidement les mâts des navires français. Au sein de l’armée, le drapeau de chaque régiment ne fut uniformisé qu’en mai 1804 à la fi n du Consulat.

Le triomphe des trois couleurs

Adopté par l’armée et le peuple français, le drapeau fut présent sur tous les champs de bataille de l’épopée napoléonienne. La restauration de la monarchie l’éclipsa pendant quinze ans, où il fut remplacé par le drapeau blanc royal. Le drapeau tricolore réapparut sur les barricades parisiennes des Trois glorieuses les 27, 28 et 29 juillet 1830. Le roi des Français Louis-Philippe, qui avait combattu à Valmy et Jemappes, le rétablit comme emblème du pays par une ordonnance du 1er août 1830 et le fait consacrer par l’article 67 de la Charte constitutionnelle du 14 août 1830. Depuis, à l’exception de quelques brèves absences lors de la Révolution de 1848 et de la Commune en 1871, où les révolutionnaires lui préférèrent le drapeau rouge, le drapeau tricolore n’a cessé d’être l’emblème national, y compris sous le régime de Vichy.

Un emblème constitutionnalisé

Il est intéressant de noter que le statut d’emblème national et républicain du drapeau tricolore ne date que de 1946. La IIe République n’avait en effet voté qu’un décret le 5 mars 1848 établissant le drapeau national dans la disposition du décret du 27 pluviôse an II. Les révolutionnaires parisiens avaient en effet modifié en février 1848 l’agencement des couleurs du drapeau et il importait de revenir à l’ordre fixé par la Convention. S’il n’est pas fait mention du drapeau dans la constitution impériale du 14 janvier 1852, il n’apparaît pas non plus dans les lois constitutionnelles de la IIIe République votées en 1875. Billets 100 francs Delacroix. Ainsi, la constitution de la IVe République approuvée en 1946 est la première à « sanctuariser » la place du drapeau tricolore comme symbole de la souveraineté nationale. La constitution actuelle n’a fait que reprendre cette disposition en 1958.

Des couleurs non réglementées

Les couleurs du drapeau n’ont curieusement jamais fait l’objet d’une réglementation particulière. À partir du Second Empire, le bleu marine devient la teinte de bleu en usage sur les pavillons français. En 1974, le président de la République Valérie Giscard d’Estaing décide d’éclaircir le drapeau tricolore. Un bleu « royal » proche du bleu du drapeau européen se substitue au bleu marine, et le rouge est allégé. Deux versions du drapeau, l’une antérieure à 1974 et l’autre giscardienne, cohabitent jusqu’en 2020. Le président Macron rétablit la version traditionnelle du drapeau national.

Un symbole universel inspirant

Héritier de la Révolution, symbole de liberté et d’indépendance, le drapeau tricolore a inspiré de nombreux pays dans le monde. Les anciennes colonies françaises, en particulier, se sont inspirées du modèle français pour leurs drapeaux nationaux. Les trois couleurs ont aussi eu une influence certaine en Amérique latine, à Cuba, au Paraguay et au Chili, ainsi que dans différents États des États-Unis. Le drapeau officiel de l’Acadie, province canadienne francophone, est celui se rapprochant le plus du drapeau français. Adopté en 1885, il personnifie l’attachement des Acadiens au Vieux Pays et à leur langue mais aussi à leur foi catholique. Enfin, comment ne pas évoquer la place du drapeau français dans les arts ? L’une des plus célèbres représentations du pavillon est La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix. Le tableau est un hommage à la Révolution de juillet 1830. Sa portée allégorique en fait toujours aujourd’hui un symbole de la liberté et de la démocratie.

Le drapeau tricolore et les monnaies

Le drapeau français fut peu représenté sur les pièces de monnaie et les billets de banque. Les coupures de 100 francs Delacroix en circulation entre 1978 et 2002 reprirent au recto un détail de La Liberté guidant le peuple avec Marianne brandissant le drapeau tricolore. Avec l’adoption de l’euro, on le retrouve depuis 2002 sur les faces nationales des pièces circulantes de 10, 20 et 50 centimes, symbolisé par des bandes horizontales et verticales. Parmi les pièces non circulantes, le graveur général de la Monnaie de Paris Joaquin Jimenez s’est illustré en 2019 par une pièce commémorative colorisée de 50 € BU argent. Le revers reprend le visuel d’une médaille du Premier Empire représentant la remise des drapeaux à l’empereur Napoléon Ier lors de la distribution des Aigles le 5 décembre 1804 sur le Champde-Mars. Enfin, le drapeau tricolore est porté par la mascotte des JO de Paris 2024, la Phryge, au revers d’une pièce de 250 € or émise en 2023 par la France, dont le bâtiment historique est représenté en arrière-plan.