Jean Jaurès, une grande figure française au Panthéon

Un professeur féru de politique

Né à Castres le 3 septembre 1859, Jean, de son nom complet Auguste Marie Joseph Jean Jaurès, voit le jour dans une famille paysanne aisée. Il passe la plupart de son temps auprès de sa mère et de son frère, Louis. Élève brillant, il est repéré par un inspecteur général, qui lui décroche une bourse pour préparer l’École normale supérieure (ENS). Jean se rend à Paris, au collège Sainte-Barbe, puis au lycée Louis-le-Grand. En 1878, il est reçu premier à l’ENS devant un autre élève du nom de Henri Bergson. En 1881, il est reçu troisième à l’agrégation de philosophie d’Albi, où il devient professeur. Puis il est nommé, l’année suivante, maître de conférences à la faculté de lettres de Toulouse. Le 29 juin 1889, Jean Jaurès se marie à Louise Blois, avec qui il aura un garçon et une fille.

Le jeune professeur est poussé par des collègues à se présenter aux élections législatives d’octobre 1885, dans le camp des républicains, celui de Jules Ferry. Il s’intéresse de loin à ses confrères socialistes, mais il s’en méfie car le socialisme est alors pour lui trop violent. Il est élu et devient de facto le plus jeune député de la chambre à 25 ans. En 1889, il perd son mandat et devient à nouveau professeur. Cependant, la vie politique l’intéresse vraiment, et il se fait élire conseiller municipal, puis maire adjoint à la mairie de Toulouse.

Le parcours d’un grand défenseur

En 1892 éclate la grève de Carmaux, qui rassemble des mineurs déterminés à défendre l’un des leurs, fraîchement élu maire mais licencié de son poste suite aux absences imposées par son mandat. Le président Sadi Carnot fait envoyer 1 500 soldats pour mater la grève. Jean Jaurès et Georges Clemenceau soutiennent les grévistes en écrivant dans le journal La Dépêche. Cet événement convertit définitivement Jaurès à la lutte des classes et au socialisme. Grâce à lui, l’État met en place un arbitrage. Pour le remercier, les mineurs de Carmaux l’élisent député en janvier 1893. Lorsque l’affaire Dreyfus survient en 1894, Jaurès est tout d’abord convaincu de la culpabilité d’Alfred Dreyfus. En 1898, il change de camp et défend farouchement le jeune capitaine. Il combat alors l’armée, qui est pour lui le bras armé du capital et donc l’ennemi déclaré du prolétariat. Cette affaire lui confère une renommée nationale dans le combat contre les injustices. Battu en 1898, il devient journaliste pour le journal La Petite République, dans lequel il publie de nombreux papiers.

En 1902, Jean Jaurès participe à la fondation du Parti socialiste, dont il devient le chef à l’Assemblée en 1906, suite à sa réélection. Deux ans plus tard, il fonde avec des intellectuels de gauche le journal L’Humanité, qui sert de fer de lance à la diffusion des idées socialistes. En 1905 est fondé la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO), un parti regroupant toutes les obédiences socialistes. Jean Jaurès se bat à l’Assemblée contre la peine de mort auprès d’Aristide Briand et du gouvernement Clemenceau. Les débats font rage, mais le projet est abandonné en 1906. Ce combat va de pair avec un pacifisme grandissant face à l’inquiétude politique générale.

Au début du siècle, les grandes puissances s’arment et la guerre est aux portes de l’Europe. En 1913, Jaurès se bat contre la loi des trois ans, qui allonge la durée du service militaire de deux à trois ans, afin de préparer la revanche de 1870. Lorsque l’archiduc François-Ferdinand est assassiné le 28 juin 1914, Jaurès exhorte à la paix, et les socialistes de tous les pays s’unissent en ce sens. Un appel à la grève générale est lancé. Mais pour les nationalistes, Jaurès est un traître qui veut désarmer la France face à l’Allemagne. Le soir du 31 juillet 1914, le député est abattu par un étudiant nationaliste du nom de Raoul Villain. Cet événement fait basculer les socialistes, qui rejoignent de fait l’Union sacrée, une trêve politique visant à unir toutes les forces pour la préparation de la guerre.

L’entrée au Panthéon

Le 23 novembre 1924, alors que le ciel est gris et le temps froid, le Panthéon est décoré d’un immense drapeau national. La dépouille de Jean Jaurès, qui reposait au cimetière des Planques d’Albi, est transférée à Paris sous décision parlementaire, dont les débats ont lieu depuis le 9 juillet. Fraîchement élu au Parlement, le cartel des gauches – une coalition unissant radicaux et socialistes – fait de cette panthéonisation le point d’orgue politique de cette union : se rassembler sous l’image de Jaurès, tribun socialiste, contre les conservateurs et les catholiques, mais aussi contre le parti communiste qui se « bolchevise ». Ce professeur devenu parlementaire est entré dans l’Histoire par son humanisme, sa foi en la justice et son amour de la paix. Aujourd’hui encore, son nom résonne comme celui d’un tribun remarquable.