Aliénor d’Aquitaine, une reine hors norme

Un beau parti

Fille de Guillaume X, duc d’Aquitaine et de Gascogne et comte de Poitiers, et de la duchesse d’Aénor de Châtellerault, Aliénor est la fille aînée (un frère mort en bas âge) et donc l’héritière d’un immense territoire du sud-ouest de la France. Sa date de naissance reste une énigme ; les historiens la fixent aux alentours de 1122.

Elle grandit à la cour de Poitiers, fondée par son grand-père Guillaume IX, où se côtoient de brillants esprits. Elle y apprend le latin et est friande des récits et poèmes chantés des troubadours de la cour.

À la mort de sa mère vers 1130, son père, voulant trouver une nouvelle épouse afin d’avoir une descendance mâle, entreprend un pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle et confie sa fille à Raymond de Poitiers, son frère.

En 1137, lorsque son père meurt à Saint-Jacques-de-Compostelle, Aliénor devient une des héritières les plus puissantes d’Europe et suscite donc les convoitises.

Reine de France

Le 25 juillet 1137, à Bordeaux, Aliénor épouse le prince et héritier du trône de France, Louis. Le mois suivant, le roi Louis VI (qui a régné de 1108 à 1137) meurt, et le mari d’Aliénor devient donc roi de France sous le nom de Louis VII.

Le mariage entre les deux jeunes époux âgés de 15 et 16 ans est compliqué : le jeune souverain est décrit comme pieux et austère, cherchant surtout à agrandir son territoire, tandis que son épouse est plutôt indépendante et à la recherche des plaisirs qu’elle a connus à la cour de Poitiers. Le jeune roi se révèle ainsi très jaloux, car il est sous le charme de la beauté de son épouse.

En 1147, au lancement de la deuxième croisade, Aliénor ne ménage pas sa peine pour rallier les barons français à la sainte cause, en parcourant l’Aquitaine et en allant à leur rencontre. Elle participe d’ailleurs elle-même à la croisade et séjourne à la cour de l’empereur byzantin, Manuel Comnène (empereur de 1143 à 1180). Elle est fascinée par Constantinople et par le luxe et le faste déployés à la cour impériale.

Au retour de cette croisade, le couple commence à se déchirer ; après l’intervention du pape Eugène III et une réconciliation de façade, les époux donneront naissance à une fille. Cet intermède est de courte durée : la reine se sait ardemment courtisée par Henri Plantagenêt, duc de Normandie, comte d’Anjou et futur roi d’Angleterre. Malgré la désapprobation de son plus fin et fidèle conseiller Suger, le roi de France accepte le divorce.

En 1154, Aliénor, libérée de son mariage avec Louis VII, épouse le roi Henri II.

Reine d’Angleterre

Le début de leur mariage se déroule bien. Aliénor donne naissance à huit enfants, dont cinq fils. Elle insuffle un vent de fraîcheur et apporte sa culture et ses idées jusqu’en Angleterre, alors que son époux se démène pour rétablir l’ordre dans une Angleterre dévastée par des guerres internes.

Aliénor, elle, ne se plaît pas en Angleterre où elle n’effectue que de courts voyages contraints et forcés. Elle cherche à rétablir son autorité sur son duché d’Aquitaine, en ordonnant la construction de nouveaux édifices et en accordant des chartes de franchises aux villes. De plus, elle fait de Poitiers une ville culturelle qui attire les artistes de toute la France.

Elle s’intéresse aussi à sa succession et à celle de son époux. Ainsi, à 12 ans, son fils aîné Richard devient duc d’Aquitaine. C’est ce souci de succession qui va déchirer le couple royal : en voulant associer ses fils au pouvoir, elle s’oppose aux volontés de son époux. Aliénor a bien tenté d’échapper à la colère de son mari en essayant de se réfugier à la cour de son ancien époux, le roi de France, mais elle est faite prisonnière avant et se retrouve captive au château de Chinon, à partir de 1173. Elle restera prisonnière seize années durant jusqu’à la mort d’Henri II et l’arrivée de son fils Richard sur le trône d’Angleterre.

La fin de vie

En 1190, son fils Richard, parti faire la troisième croisade, lui confie la régence de ses États. Elle doit faire face aux ambitions de son second fils, Jean sans Terre, et du roi de France Philippe Auguste (fils de son ancien époux Louis VII et de Constance de Castille) qui a des vues sur les territoires français sous domination anglaise. Ainsi, lorsque le roi de France tente de prendre Gisors, Aliénor défend elle-même la ville. Au retour de son fils, elle se retire au monastère de Fontevraud.

Le roi Richard meurt assassiné en 1199, et son frère Jean sans Terre lui succède non sans mal. Le roi Jean bénéficie cependant du soutien inconditionnel de sa mère pour accéder au trône d’Angleterre. En effet, Aliénor dirige les opérations qui visent à casser la fronde menée par les nobles avec le soutien de Philippe II Auguste. Son fils se révèle être un roi peu habile politiquement et très brutal. Le voyant perdre son duel à distance avec le roi de France, Aliénor continue à œuvrer pour sa famille ; elle donne sa petite-fille Blanche de Castille pour épouse à l’héritier de la couronne française, le futur Louis VIII.

Son devoir accompli, Aliénor se retire à l’abbaye de Fontevraud où elle décède, le 31 mars 1204. Son duché d’Aquitaine, pour lequel elle s’était vaillamment battue, est intégré au royaume de France. Femme de caractère, sa mémoire a été largement manipulée pour faire ressortir un portrait d’une reine belle, mais surtout manipulatrice, séductrice et adultère. Son poids politique a été indéniable et a donc marqué l’histoire.

La 10 euros 2019

Dans le cadre de la série « Histoire de France » de 2019, plusieurs grands personnages historiques français sont choisis pour figurer sur des 10 euros commémoratives circulantes. Parmi ces 18 personnages figure Aliénor d’Aquitaine. Plutôt qu’une représentation plus ou moins idéalisée de la reine, le graveur Joaquin Jimenez a choisi de mettre en valeur son sceau officiel qui mentionne, en latin, ses titres de reine d’Angleterre et de duchesse de Normandie.