Les nouveaux billets euros

Les premiers billets euros

Les billets que nous avons tous en poche n’ont jamais fait l’unanimité. En effet, après un long processus, entre 1995 et 1999, le choix des thématiques et du design a longtemps semblé avoir été fait par défaut.

En fait, cette thématique intitulée « Époques et styles », constituée de représentations assez neutres de portails, de fenêtres et de ponts (tous fictifs), symbolisait pour de nombreux citoyens une Europe technocratique lointaine et vague jusque dans sa monnaie.

En fait, le cahier des charges était extrêmement strict : il fallait gommer tout élément pouvant avoir un caractère national et qui aurait pu mettre des pays en avant par rapport à d’autres. Exit donc les représentations classiques des billets de banque tels que les personnages historiques (populaires ou légendaires) et les monuments ou même des paysages reconnaissables. Finalement, en limitant les possibilités, la thématique retenue a été celle de symboles de coopération entre pays membres de l’Union européenne ainsi que de son ouverture au monde à travers les époques et les styles (le classique pour le
5 euros ; le roman pour le 10 ; le gothique pour le 20 ; la Renaissance pour le 50 ; le baroque et le rococo sur le 100 ; le 19^e siècle « verre et acier » sur le 200 ; les XXI^e et XX^e siècle, alias « la modernité », sur le 500 euros).

Sur les 44 projets remis à l’Institut monétaire européen (ancêtre de la Banque centrale européenne), ceux du graphiste autrichien Robert Kalina furent choisis.

La nouvelle série

Le projet de changer toute la série de billets euros n’est pas récent, il est en réflexion depuis décembre 2021. Il s’agit avant tout, selon la BCE, de rendre les billets plus « sécurisés, efficaces et durables ».

Sept thèmes pouvant figurer sur les billets avaient été présélectionnés rapidement par la BCE : les fleuves ; la culture, un héritage commun ; le futur ; les reflets des valeurs européennes dans la nature ; les oiseaux ; les mains ; « notre Europe et nous même ».

À l’heure actuelle, un premier écrémage a eu lieu et il ne reste plus que 2 thématiques en lice : 1) la culture européenne et 2) la nature, un héritage commun. Les sujets représentés sur les 2 faces ont déjà été choisis :

• 5 euros : Maria Callas/artistes de rue ou Source de montagne et passereau/Parlement européen ;

• 10 euros : Beethoven/chœur ou Chute d’eau et martin-pêcheur/Commission européenne ;

• 20 euros : Marie Curie/étudiants ou Vallée et colonies de guêpiers/BCE ;

• 50 euros : Cervantès/bibliothèque ou Méandres d’une rivière et cigogne/Cour européenne de Justice ;

• 100 euros : de Vinci/exposition artistique ou Embouchure et avocette/Conseil européen et Conseil de l’Union européenne ;

• 200 euros : Von Suttner/jardins publics ou Paysage marin et fou de Bassan / Cour des comptes européenne.

En cette année 2025, la BCE va choisir les membres du jury et organiser un concours de graphisme. En 2026, elle promet d’organiser une consultation publique (sous quelle forme et avec quelle communication ?) pour laisser le choix de la sélection du gagnant parmi les designs présélectionnés. Aucune date de mise en circulation n’a encore été annoncée.

Et les utilisateurs ?

Visiblement, si les États-Unis peuvent se permettre de consulter l’intégralité de leurs citoyens pour changer et choisir leurs futures pièces de monnaies (voir le projet pour le 250^e anniversaire de la nation, en 2026, par l’US Mint), l’Union européenne reste toujours timorée et préfère s’en remettre à des collèges d’experts et d’organismes « représentatifs ». Seulement 365 000 européens (sur une population de 449 millions soit 0,08 % de la population !), selon la BCE, auraient répondu à une enquête en ligne (dont peu de gens ont entendu parler !), réalisée entre juillet et août 2023. Les billets choisis ne seront donc toujours pas le fruit d’un choix de ceux qui vont les utiliser ; les citoyens n’auront qu’un avis à donner sur un concept préalablement guidé parmi une sélection déjà bien lisse et sans réelle surprise… Cela interroge sur la réception de ces futurs billets non encore émis. Vont-ils être aussi impopulaires ou incompris que la gamme précédente ? Comment le service communication de la Banque centrale européenne va-t-il justifier ses processus et ses choix ? Toutes les réponses ne nous parviendront qu’à l’horizon 2026-2027.