Les essais monétaires

Un essai de définition

Les essais monétaires sont des pièces frappées pour mettre au point la fabrication d’une nouvelle monnaie. On peut différencier des essais de type et des essais de frappe. Le choix d’un nouveau type monétaire par les autorités se fait parmi des projets proposés par un ou plusieurs graveurs appartenant à l’institution monétaire en charge de la fabrication, ou par un concours. Ces projets donnent lieu à des frappes qui sont des essais de type. Une fois le type choisi, on effectue alors des essais de frappe, qui sont des essais techniques testant et vérifiant ses caractéristiques physiques et figuratives. Les points de vérification sont le poids, le diamètre, la qualité de la frappe pour les effigies, les symboles et les légendes, la teneur en métal, le titrage, la tranche. La Monnaie de Paris, par exemple, teste et fabrique les pièces courantes françaises dans son usine de Pessac en Gironde depuis 1973. Elle y frappe aussi les monnaies de plus de 40 États, que ce soit pour les pays de la zone euro comme pour ceux extérieurs à l’Union européenne. Sauf erreur notoire, les essais ne sont jamais mis en circulation mais conservés par l’atelier monétaire les ayant fabriqués. Des exemplaires en métaux précieux, or ou argent, sont souvent distribués comme cadeaux à des personnalités de marque. Les essais en métaux communs sont donnés avec plus de largesse aux personnels ou aux collectionneurs.

Des essais aussi anciens que le monnayage

Depuis l’apparition d’un monnayage sérié en Asie mineure vers 650 avant Jésus-Christ, les essais monétaires ont toujours existé. On pourrait affirmer qu’il existe autant d’essais que de coins ayant servi aux frappes. Un changement de règne, de dynastie, de titrage, ou une innovation technique comme la frappe au balancier conduisait à chaque fois à des épreuves d’essais. Tenter d’en retracer l’histoire générale relève de la gageure tant les monnaies, types et séries sont nombreux, mais le contrôle de la qualité du flan a toujours autant compté que celui du titrage.

Pour rester dans le cadre hexagonal, la France fut à la pointe de la vérification de la qualité métallique de ses monnaies dès la fin du XVIII^e siècle avec la création d’un laboratoire dédié aux essais dans le splendide bâtiment de la Monnaie de Paris tout juste achevé en 1775. Cet atelier vérifiait le titre des monnaies métalliques émises par l’Institution. Il continua à fonctionner sous la Révolution malgré la tourmente et à proposer des améliorations constantes pour la fabrication monétaire, que ce soit pour les machines comme les découpoirs et les laminoirs, mais aussi pour les creusets et les coins. Ce laboratoire modèle s’étendit au XIX^e siècle à toutes les institutions monétaires d’importance comme la Royal Mint.

Avec l’apparition des essais de concours au XIX^e siècle et les divers changements de régime, les essais monétaires se multiplièrent en France. Afin de bien les identifier, la lettre E fut d’abord indiquée sur les flans avant que la mention « essai monétaire » ou « essai » ne fisse son apparition avec la Restauration.

Le piéfort, une exception française

Parmi les essais monétaires, les piéforts semblent spécifiquement français, même si l’Angleterre en frappa aussi au cours du Moyen Âge. Il s’agit d’un essai d’une monnaie de série avec une épaisseur métallique allant du double au quadruple en métal précieux ou en alliage. Les piéforts firent leur apparition en France dès le XII^e siècle, mais tombèrent en désuétude sous la monarchie des Bourbons avant de revenir en grâce à la fin du XIX^e siècle. Ils étaient frappés par la Monnaie de Paris lors de chaque création de type. Par exemple, le piéfort cannelé d’un denier tournois en cuivre de 1607 à l’effigie du roi Henri IV lauré et cuirassé avec une représentation peu flatteuse du Vert Galant.

Des essais rares et prestigieux

Parce qu’ils sont rarissimes, souvent effectués avec des métaux précieux et n’ont jamais circulé, les essais monétaires ont une grande valeur. La Monnaie de Paris conserve dans ses collections des trésors de rareté et de beauté, comme cet essai de 8 Louis d’Or d’un poids de 53 grammes. Une de ces pièces s’est vendue dernièrement chez Drouot à plus de 260 000 euros! Le portrait de Louis XIII fut exécuté par le célèbre graveur Jean Warin après la déclaration de Saint-Germain-en-Laye du 31 mars 1640 créant le Louis d’Or. Parmi les monnaies connues du grand public, l’essai du 1 Franc Semeuse 1959 en Or a été frappé à moins de 10 exemplaires. Les essais de l’Institution se firent aussi pour les devises à sa charge, comme la 50 Francs Or monégasques de 1950 à l’effigie du nouveau prince souverain du Rocher, Rainier III, avec une série de 500 exemplaires.