Missak Manouchian, figure majeure de la Résistance française

Dès 1940 et l’occupation allemande de la France, la Résistance se met en place à l’intérieur du pays comme à l’extérieur. Des Français, mais aussi des étrangers s’engagent dans les forces de libération au nom de la Liberté. Intéressons-nous à la vie d’un de ces soldats de l’ombre : Missak Manouchian.

Missak Manouchian est né le 1er septembre 1906 dans l’Empire Ottoman. Il est un survivant du génocide arménien et il décide de venir se réfugier en France, son pays de cœur, en 1925. Menuisier de formation, il se passionne pour la poésie. Dans les années 1930, il devient tourneur et rejoint de nombreux ouvriers dans les mouvements antifascistes. Il devient rapidement cadre du parti communiste local. En 1936, il épouse Mélinée, une Turque également réfugiée en France. Alors que le pacte germano-soviétique vient d’être signé, il est immédiatement arrêté par les autorités, par peur d’un soulèvement communiste dans le pays. Un mois plus tard, il est libéré. Pendant la Drôle de Guerre, il est affecté dans le Morbihan. Quand la guerre est perdue, il doit travailler dans une usine de la Sarthe qu’il quitte illégalement en 1941. Le couple déménage à Paris ; cette nouvelle vie marque l’entrée en résistance de Missak et de sa femme. Leurs actions sont portées sur le renseignement, l’aide à la désertion des soldats allemands et à l’espionnage. En février 1943, malgré la désapprobation de sa femme, Missak rejoint la branche armée des FTP-MOI (Francs-tireurs et Partisans – Maind’œuvre immigrée). Il est bientôt cadre et a sous ses ordres une cinquantaine de résistants. En quatre mois, une trentaine d’opérations sont menées, visant des offi ciers allemands. Le 16 novembre 1943, Manouchian est arrêté avec des camarades en gare d’Évry. Un traître a parlé… Après un jugement expéditif, le 21 février 1944, 22 hommes sont fusillés dans la forteresse du Mont-Valérien.

L’affiche rouge

Le corps des martyrs encore tièdes, les autorités allemandes décident de publier 15 000 affi ches de propagande sur lesquelles apparaissent les photos et les noms des fusillés. Sur ces affi ches rouges où l’on peut lire « Des libérateurs ? La libération par l’armée du crime ! », Manouchian est présenté en chef de bande avec au-dessus de son visage : « Arménien, chef de bande, 56 attentats, 150 morts, 600 blessés ». Cette affi che qui veut appuyer la propagande racialiste du Reich en présentant l’origine ou la religion : « juif », « espagnol rouge », « juif hongrois », met le feu aux poudres. La Résistance reçoit un plus grand appui de la population ; comment des étrangers si aimants de la France ont-ils pu passer à travers les mailles du fi let et causer autant de dégâts à l’occupant? Les anonymes deviennent des héros. Mélinée Manouchian, ne voyant pas revenir son mari, se cache et est recueillie par Knar Aznavourian (la mère de Charles Aznavour), membre du réseau arménien. On lui cache le décès de Missak pendant des semaines. Lorsqu’elle l’apprend, elle entre dans un état second et il lui faut des jours pour revenir à elle. Plus tard, elle reprend la lutte clandestinement jusqu’à la fin de la guerre.

La panthéonisation comme reconnaissance de la patrie

La Guerre terminée, les gouvernements successifs de la IVe et Ve République n’ont eu de cesse de rendre hommage aux résistants des forces de l’intérieur comme des forces de l’extérieur. Tout le monde a en mémoire l’entrée au Panthéon de Jean Moulin et le discours de Malraux le 19 décembre 1964. Après une forte pression de la famille ainsi que de divers élus de la République, Emmanuel Macron annonce le 23 mars 2022 la possible entrée de Missak Manouchian au Panthéon. Le 18 juin 2023, l’Élysée confirme cette décision. La panthéonisation de Missak est décidée pour le 21 février 2024, soit 80 ans après la mort de Missak et de ses hommes. Il sera accompagné de son épouse Mélinée et une plaque commémorative sera posée pour tous les fusillés de sa section, ainsi que pour Olga Bancic, qui elle a été déportée en Allemagne pour y être décapitée. L’État et la Monnaie de Paris ont à plusieurs fois rendu hommage à la Résistance sur des monnaies, comme la série de circulation en argent de 100 francs Panthéon émise de 1982 à 2001. En 1993, sont émises la 2 francs (circulante), la 100 francs et la 500 francs « Jean Moulin ». En 1994, une 100 francs « Appel du 18 juin 1940 » est émise et en 2007, une 15 euros est émise pour le Panthéon et les « Justes parmi les nations ». Désormais, les noms de ces hommes de l’ombre sont dans la lumière pour des siècles et des siècles, au Panthéon, sur le fronton duquel on peut lire : « Aux grands hommes, la Patrie Reconnaissante ».