Le château de Shuri, trésor du Japon

Une histoire liée à celle du royaume de Ryūkyū

L’histoire du château est liée à celle du royaume de Ryūkyū. De par sa situation géographique, ce chapelet d’îles a toujours entretenu des relations privilégiées avec la Chine voisine à l’Ouest et le Japon au Nord. Les îles furent d’abord des royaumes indépendants avec d’être unifiées vers 1429 par le seigneur de guerre Shō Hashi pour donner naissance au royaume de Ryūkyū, avec Naha et plus précisément le château de Shuri, sur l’île d’Okinawa, comme capitale. Shō Hashi installa son administration dans le château qui existait depuis environ un siècle comme forteresse (gusuku). Shuri devint alors le centre politique, culturel, économique et religieux du royaume. Les Ryukyans cultivaient en effet une forme de shintoïsme différente du Japon, dans lequel le peuple de l’archipel puisait son histoire. Sur le plan politique, les rois du Ryūkyū étaient vassaux de l’Empire chinois et payaient tribut à la grande puissance continentale. À chaque nouvelle investiture, l’empereur envoyait une délégation qui assistait à la cérémonie d’installation du nouveau souverain. L’influence chinoise fut nettement perceptible dans tout l’archipel durant des décennies, jusqu’à inspirer l’architecture du complexe de Shuri.

Les îles du nord du royaume furent envahies en 1609 par le seigneur de Satsuma, affilié au puissant clan japonais des Shimazu de l’île de Kyushu. Les rois de Ryūkyū furent alors forcés de payer un tribut supplémentaire aux Shimazu. Le pays conserva néanmoins son autonomie et continua à jouer son rôle d’intermédiaire commercial entre l’archipel nippon isolationniste et l’Empire chinois.

Au XIX^e siècle, l’expansionnisme japonais de l’ère Meiji mit un terme à l’indépendance des Ryūkyū : l’archipel fut annexé en 1879 à l’issue d’une guerre de sept ans. Le dernier roi, Sho Tai, fut contraint d’abdiquer et le royaume fut transformé en préfecture centrée sur Okinawa. Le complexe devint une caserne militaire puis une école et son état ne cessa de se dégrader.

Un trésor national japonais

Par son architecture en bois, le château de Shuri est vulnérable au feu. Il est détruit en 1453, à la suite d’une guerre entre factions pour le trône, en 1660 et 1709 et est à chaque fois reconstruit en raison de son importance politique, culturelle et religieuse. Pour éviter sa destruction, le domaine de Shuri est classé trésor national en 1925 par le gouvernement japonais. De petits travaux de restauration sont alors entrepris.

La Seconde Guerre mondiale est funeste au château, puisqu’il abritait le quartier général de la 32^e armée japonaise. L’île d’Okinawa est le théâtre de la dernière grande bataille du conflit entre le 1^er avril et le 22 juin 1945. Les Américains n’épargnent pas le château situé sur la ligne de front. Il est réduit à un tas de cendres par un bombardement aérien qui précède un vaste assaut terrestre. Les Alliés investissent les ruines du château le 29 mai. Sa prise marque symboliquement la défaite de l’armée japonaise à Okinawa malgré une défense acharnée.

Du fait de son statut, une reconstruction a été envisagée après-guerre mais ne s’est concrétisée qu’à la fin des années 1980. Les répliques des bâtiments du Palais sont inaugurées en 1992 et le domaine Shuri constitue depuis lors l’un des principaux sites touristiques d’Okinawa et du Japon. Hélas, dans la nuit du 30 octobre 2019, un incendie détruit une nouvelle fois les bâtiments principaux du complexe. Comme pour Notre-Dame de Paris, les dons ont rapidement afflué et permis de préparer une reconstruction des structures endommagées. Les travaux ont débuté le 3 novembre 2022 et ne sont pas encore terminés à l’heure actuelle. Les autorités nippones prévoient une réouverture au public en 2026. Entre-temps, les visiteurs peuvent admirer le savoir-faire des artisans japonais sur le chantier.

Un style architectural remarquable classé par l’Unesco

Le château a rempli trois fonctions par le passé : une fonction administrative, une fonction résidentielle pour les rois du Ryūkyū, et une fonction religieuse. La reconstruction a repris les éléments existants tout en les complétant avec des matériaux modernes. Les artisans japonais ont cherché à reconstruire le plus fidèlement possible les bâtiments détruits par le dernier conflit mondial. Le Hall d’État, ou palais principal, est le plus important d’entre eux. Il comporte trois étages avec deux niveaux de toiture rappelant l’influence chinoise, imité du Palais de la Paix de la Cité interdite à Pékin. Les dragons, omniprésents, ornent les colonnes et murs en bois ou en pierre. Symboles de la royauté, ils rappellent la fonction politique du palais. Le premier étage du palais abritait les cérémonies royales où le trône ryukyan a été reconstitué à l’identique.

En novembre 2000, le caractère architectural remarquable du complexe de Shuri est consacré par l’inscription par l’Unesco du site sur la liste du patrimoine mondial comme l’un des neuf « sites Gusuku (châteaux) et des biens associés du royaume de Ryūkyū ». Pour le château spécifiquement, la fidélité historique de sa reconstruction de 1992 a été un des principaux critères qui ont mené au classement du site.

Le château de Shuri dans la numismatique japonaise

Le complexe de Shuri a été immortalisé par les coupures de 2000 Yens à partir du 19 juillet 2000. La date d’émission n’est pas anodine puisqu’elle précédait l’accueil sur l’île d’Okinawa du 26^e sommet du G8. Le recto représente le Shureimon, l’une des portes d’accès au domaine de Shuri édifiée au XVI^e siècle, tandis que le verso met en scène un conte de Genji : Le Grillon, avec un portrait de son autrice Murasaki Shikibu (vers 973-1025). Le billet a longtemps été considéré en Occident comme commémoratif alors qu’il s’agit bien d’un billet circulant émis à plus de 100 mil-lions d’exemplaires ! Il reste néanmoins assez rare dans les portefeuilles des Japonais, l’essentiel des coupures circulant à Okinawa et dans les îles du Ryūkyū.

Depuis 2007, la Monnaie de Paris et l’Unesco ont noué un partenariat destiné à mieux faire connaître le patrimoine mondial par la création d’une collection de monnaies exceptionnelles. Par le passé, des pièces prestigieuses ont été émises par l’Institution monétaire française. En 2025, trois monuments seront honorés : le Colisée à Rome, Notre-Dame de Paris et le château de Shuri. Les deux derniers ont le triste point commun d’avoir été endommagés à six mois d’intervalle par un incendie et d’avoir été reconstruits à l’identique. Le complexe ryukyan sera immortalisé par trois monnaies de collection disponibles prochainement : une 10 euros argent BE, et deux monnaies de 50 euros or BE et 500 euros or BE avec, au revers, le Hall d’État représenté dans toute sa majesté.