50 ans de la mort de Joséphine Baker

Le 3 juin 1906, en la ville de Saint-Louis dans le Missouri, voit le jour une petite fille du nom de Freda Josephine McDonald. Sa mère et son père, Carrie McDonald et Eddie Cardon, sont des artistes de rue et ils vivent tant bien que mal de leurs talents. Sa mère est une métisse descendante d’esclaves noirs et d’Indiens d’Amérique. Alors qu’elle n’a qu’un an, son père quitte le domicile familial sans avoir reconnu la petite Josephine. Très rapidement, sa mère se remarie avec un ouvrier du nom d’Arthur Martin avec qui elle a trois enfants. Josephine, dès le plus jeune âge, est mise au service d’une famille aisée pour qui sa mère fait le ménage. Le salaire de la petite permet de nourrir les trois autres enfants. Très rapidement, la petite Josephine comprend que sa couleur de peau est un handicap dans une Amérique en proie à la ségrégation raciale. Alors qu’elle n’a que 13 ans, Josephine quitte sa mère pour se marier mais cette histoire ne dure que quelques mois durant lesquels elle devient également artiste de rue. En 1921, elle rencontre William Baker, qu’elle épouse, et entre au Standard Theater comme danseuse pour 10 dollars la semaine.

De danseuse des rues à star parisienne

Alors qu’elle n’a que 16 ans, Josephine quitte son second mari. Il faut dire que la petite Baker a de l’ambition : son regard est tourné vers Broadway ! Lorsqu’elle arrive à New York, elle doit faire face à de nombreuses rivales. Josephine enchaîne les petits contrats et, en 1925, elle est repérée par Donald J. Reagan qui lui propose 250 dollars par semaine à condition de le suivre à Paris pour monter un projet : la Revue nègre… ce qu’elle accepte ! Pour elle c’est un choc : il y a en France une place pour les Noirs. « Je me suis sentie libérée à Paris ! » déclarera-t-elle. Il faut dire que la France est au summum de son empire colonial, et il est de bon ton de représenter les colonisés comme de bons sauvages. La revue, entièrement composée de Noirs (dont Sidney Bechet), est un franc succès. Les artistes dansent sur du Jazz, nouveauté pour l’époque.

« Je me suis sentie libérée à Paris ! »

En 1927, elle entre simultanément aux Folies Bergères comme artiste et devient actrice de films muets. Lorsqu’elle apparaît pour la première fois nue, vêtue d’une ceinture de bananes, à danser le Charleston, le public est immédiatement conquis ; il faut dire que Joséphine (écrit désormais à la française)bouscule les mœurs de l’époque. Elle devient l’attraction phare du Paris des années folles et le symbole d’un érotisme colonial ; elle est à elle seule une campagne de recrutement bénie pour l’armée coloniale. À partir de ce moment, elle se promène avec un guépard et devient l’égérie des cubistes. Loin de renier ses origines, Joséphine est une militante motivée du « renouveau de Harlem » qui met en avant les Afro-Américains sur tous les plans culturels, tant aux États-Unis qu’en France. Les Parisiens sont étonnés de voir cette célébrité distribuer les repas à la soupe populaire dès 1930. En 1931, elle enregistre la chanson « J’ai deux amours », qui fait d’elle une star nationale ; encore aujourd’hui, cette chanson est dans toutes les têtes. Elle tourne de nombreux films, dont Zouzou avec Jean Gabin. Au summum de la gloire, elle entreprend une tournée aux États-Unis en 1935 mais le pays n’est pas encore prêt à reconnaître une Noire comme star. Lorsqu’elle rentre en France en 1936, elle rencontre un industriel du sucre, Jean Lion, qu’elle épouse le 30 novembre 1937, acquérant ainsi la nationalité française. Ils louent ensemble une belle demeure en Dordogne, le château des Milandes.

La guerre et l’entrée en résistance

En septembre 1939, Josephine rencontre un officier de l’espionnage du nom de Jacques Abtey, dont elle devient une correspondante. Joséphine entre à la Croix-Rouge et participe à la collecte d’informations lors des soirées mondaines. Dès l’armistice de 1940, Joséphine souhaite aider la France combattante et elle prend sous son aile Abtey, qui participe aux tournées avec elle sous le nom de Hébert. Cela permet à Abtey, par le biais de Joséphine, de transmettre à l’Intelligence Service anglais des informations cruciales lors des représentations en Espagne ou au Portugal. En 1941, Joséphine s’installe au Maroc et participe à la transmission d’informations par le biais de microfilms afin d’aider les alliés. Dès 1942, avec le débarquement allié en Afrique, elle entre officiellement dans les forces françaises et devient une amie du Général de Gaulle, qui lui remet une Croix de Lorraine en or… qu’elle s’empresse de vendre afin d’aider à financer la Résistance. Joséphine est sur tous les fronts : en 1944 elle rejoint la Corse, puis Marseille et le 20 novembre 1944, elle chante à Belfort devant les hommes du général de Lattre de Tassigny. Elle est démobilisée le 1^er septembre 1945. Elle reçoit au total six décorations dont la Croix de guerre, la médaille de la Résistance et la Légion d’Honneur.

Engagée politique

Lorsque la guerre prend fin, Joséphine entreprend une tournée mondiale ; elle se rend souvent aux États-Unis et en Amérique du Sud. Joséphine tombe amoureuse de Cuba et de son régime politique. Elle s’y rend très souvent et devient une intime de Che Guevara et de Fidel Castro, chez qui elle passe ses vacances. Pour elle, le régime cubain représente son idéal politique et les Cubains sont un peuple métis où le racisme n’a pas sa place. Elle sera très souvent critiquée pour cette position politique alors que la guerre froide fait rage, mais cela n’empêche pas de Gaulle, qui l’apprécie au plus haut point, de lui envoyer une gerbe de fleurs lors d’une hospitalisation en 1961. Aux États-Unis, sa tournée de 1947 à 1951 est encore sous le signe de la ségrégation : la presse salit son image et la traite de communiste. En 1963, Joséphine participe à la marche sur Washington aux côtés de Martin Luther King et donne un discours dans sa tenue de l’armée de l’air, arborant ses décorations de la guerre. Joséphine adopte avec Jo Bouillon, compositeur et chef d’orchestre épousé en 1947, douze enfants d’horizons différents : elle nomme cette fratrie la « Tribu arc-en-ciel ». Tous vivent ensemble au château des Milandes.

Dans les années 1960, Joséphine est criblée de dettes, le fisc lui confisque ses biens et le château des Milandes est vendu. Brigitte Bardot et la princesse Grace de Monaco lui apportent un soutien financier. Ses amis l’aident et la font monter sur scène à nouveau mais le 10 avril 1975, alors âgée de 68 ans, elle s’effondre, victime d’une hémorragie cérébrale. Lors de la cérémonie funéraire, Joséphine reçoit les honneurs militaires. Reconnaissance ultime de la Nation, Joséphine Baker entre au Panthéon le 30 novembre 2021. Elle est la 6^e femme à y entrer, et la 5^e à y être honorée.