Robert Kalina, le créateur des eurobillets

Comme Luc Luycx présenté dans le numéro précédent, Robert Kalina est un homme que vous connaissez sans même vous en rendre compte. Il est en effet l’homme qui a réalisé toute la gamme de billets de banque en euro que vous utilisez quotidiennement.

Éléments biographiques

Robert Kalina est né le 29 juin 1955, dans la capitale autrichienne. Entre 15 et 19 ans, il étudie le graphisme à Vienne. En 1976, il entre à la Banque nationale d’Autriche où il reçoit une formation de dessinateur de billets de banque. Robert Kalina réalise sa première maquette pour un billet de circulation en 1977 (le 1 000 schillings Erwin Schrödinger), puis il effectue les dernières coupures autrichiennes avant l’introduction de l’euro. Dans les rares interviews qu’il donne, Robert Kalina précise la nature exacte de son travail. Il se décrit comme un dessinateur qui réalise ses projets, en taille réelle et en peinture, et qui confie la suite du travail à des collaborateurs spécialisés dans les techniques de gravure et d’impression. Il se défi nit comme le responsable du côté esthétique de la création d’un billet. À l’arrivée de l’ordinateur dans le processus créatif, Robert Kalina a vu son métier changer : il estime que son travail est moins détaillé, mais qu’il peut faire plus de variations d’un même projet et que le travail sur les couleurs est plus important. Sa vie prend un tournant en 1995, lorsqu’il est envoyé comme participant, par la Banque nationale autrichienne, à un groupe de travail de l’Institut monétaire européen, l’ancêtre de la Banque centrale européenne, pour déterminer les sujets devant apparaître sur les futurs billets européens.

Le tournant d’une vie

C’est son employeur qui a proposé le nom de Kalina pour travailler sur ce projet de création exceptionnel de tous les billets en euro. Il s’agissait, pour le graphiste, du premier et de l’unique concours auquel il a participé. Trente graphistes professionnels ont été sélectionnés pour fournir des propositions avec un cahier des charges rigoureux. Les concurrents ont dû suivre des règles précises : aucun pays ne devait être mis en relief (pas de monuments existants), des symboles pouvant être mal interprétés devaient être bannis, des portraits pouvaient être présents mais non reconnaissables (toujours dans l’idée de ne pas privilégier des pays). Ils pouvaient proposer des œuvres fondées sur les styles architecturaux de différentes époques en Europe ou des sujets abstraits et modernes. Les couleurs des différentes coupures avaient déjà été défi nies en amont par un psychologue spécialisé. Robert Kalina a donc joué doublement le jeu en proposant sept coupures recto-verso avec différents styles architecturaux, et sept coupures avec un style moderne. Un jury indépendant a examiné et extrait 10 séries complètes parmi les 44 proposées ; une enquête auprès de futurs utilisateurs a permis d’affiner les choix initiaux pour n’en valider que trois, qui ont été soumis aux gouverneurs des banques nationales des pays membres de la future zone euro. Le président de la Banque nationale a ensuite annoncé par téléphone à l’artiste que ses œuvres avaient été choisies. Kalina était bien entendu heureux et fier d’avoir été sélectionné, mais il a aussi admis sa crainte à l’idée du travail à fournir pour le suivi et les modifications permettant de rendre les maquettes imprimables. Ses projets qui ont fait mouche représentent des ponts de différentes époques symbolisant le franchissement des obstacles, mais aussi les liaisons entre les pays d’Europe et du monde ; des fenêtres et des portes ouvertes évoquant le regard tourné vers l’avenir ; les étoiles et les contours du continent européen qui sont les symboles communs à tous les membres. Décriée par certains utilisateurs la trouvant fade, insipide et symbole d’une union technocratique sans âme, cette série de billets en euro n’en reste pas moins un symbole fort et actif d’une union économique stable. Vous vous souviendrez dorénavant de son créateur.