Napoléon sacré empereur des Français

De consul à Empereur

Depuis le coup d’État du 18 Brumaire (9 novembre 1799), le général Bonaparte est désormais le Premier consul Bonaparte. À la tête de l’État avec deux autres consuls, Sieyès et Ducos, Napoléon prend la tête du pays et dote la France d’une Constitution. Alors que la guerre est de nouveau déclarée à l’Angleterre en 1803, le Sénat propose, dans le but de sauvegarder les acquis de la République, de désigner empereur le consul Bonaparte.

Ainsi, le 18 mai 1804, Napoléon reçoit une délégation du Sénat lui remettant un senatus consultum (« décret du Sénat » en latin) promulgué le 4 mai, faisant de Napoléon l’empereur de France sous le nom de Napoléon I^er. Pour asseoir cette promulgation, un plébiscite est demandé au peuple pour savoir si le peuple français accepte « l’hérédité de la dignité impériale ». Le « oui » l’emporte, 3 572 329 voix contre 2 569 « non ». Ainsi, le peuple français place au-dessus de lui un nouveau roi, un empereur. Napoléon, qui était bien sûr à la manœuvre, imagine un sacre sans égal, comme pouvaient l’être les triomphes de l’antique Rome.

La cérémonie

La date du 2 décembre 1804 est fixée. Napoléon sera sacré par le pape Pie VII en la cathédrale Notre-Dame de Paris. Cependant, un obstacle empêche la bonne mise en œuvre de cet événement. En effet, depuis la Révolution française, les relations diplomatiques entre les États pontificaux et la France sont quasi inexistantes ; trop de crimes avaient été commis sur les prélats français lors de la Terreur. Napoléon écrit au pape le 15 septembre 1804. Un arrangement est trouvé et une rencontre est organisée le 25 novembre à Fontainebleau. Alors que Joséphine, épouse de Napoléon, s’entretient avec lui, elle confesse que le mariage contracté avec Napoléon en 1796 n’était que civil. Le pape refuse alors de le sacrer, jusqu’à ce qu’on lui prouve que le mariage de 1796 était bel et bien catholique.

Fort heureusement pour Napoléon, son oncle, Joseph Fesch est cardinal ! Joséphine et Napoléon se marient religieusement le 1^er décembre aux Tuileries. Afin que le peuple profite de l’événement, un cortège est organisé des Tuileries jusqu’à la cathédrale. Il débute avec le carrosse du pape, mené par quatre compagnies de dragons avec, en tête, De Caulaincourt, général et diplomate. S’ensuit la famille impériale et enfin le carrosse de Napoléon et Joséphine, accompagné de neuf escadrons de cavaleries et d’artilleries menés par Joachim Murat, général téméraire. Le cortège impérial fait un détour par l’archevêché, afin que Napoléon puisse revêtir le manteau d’hermine et agrafer sa Légion d’honneur.

Comme sous la Rome antique, des petits quinaires d’argent sont lancés des chars et calèches afin que le peuple puisse, soit garder en souvenir ces petites monnaies, soit les dépenser en jeux et boissons. La cathédrale est pavoisée aux nouvelles armes impériales. Toute la famille de l’Empereur est présente, ainsi que tous les dignitaires français et européens des pays alliés. Lorsque Napoléon et Joséphine se présentent à la porte, les vivats se font entendre. Napoléon sait que, s’il veut régner, il doit reprendre les us et coutumes de la monarchie. Ainsi, le pape bénit l’épée, l’anneau, le sceptre, la main de justice et la couronne de Napoléon, puis il bénit le couple. Afin de montrer au monde sa toute-puissance, Napoléon saisit la couronne et aux yeux de tous, marquant une pause solennelle, il se couronne lentement, puis couronne Joséphine sous les yeux ébahis du pape. Pie VII donne alors l’accolade et la bénédiction au couple.

Un héraut d’armes proclame : « Le très glorieux et très auguste Napoléon, empereur des Français, est sacré et intronisé ! ». Des « Vive l’Empereur ! » et « Vive l’impératrice ! » résonnent dans tout Paris. Lorsqu’ils sortent, 101 coups de canon sont tirés. Avec cet événement, Napoléon instaure une nouvelle noblesse en France. Cette noblesse d’empire, tout comme sous l’Ancien Régime, est à la fois une noblesse de cour, mais surtout une noblesse d’épée : sous l’empire, les galons, médailles et titres se méritent. À la tête de cette noblesse, 16 maréchaux sont nommés, dont Murat, Ney, Masséna, Berthier, Lannes, Davout… Au lendemain de la cérémonie, Napoléon, tel un empereur romain, réunit son armée au Champ-de-Mars. Des aigles sont distribués à tous les régiments et ceux-ci doivent prêter serment de mourir plutôt que de perdre une aigle : les graines de la glorieuse épopée venaient d’être semées.

L’œuvre de David

L’Empereur souhaite immortaliser l’instant. Pour cela, il commande quatre tableaux à David, fraîchement nommé peintre officiel. Faute de temps et d’argent, seulement deux tableaux seront réalisés par cet artiste : Le Sacre de Napoléon et La Distribution des aigles. Alors que l’Empereur a promis oralement 100 000 francs par tableau, David ne reçoit que 117 000 francs pour ces deux œuvres magistrales.

Le Sacre de l’empereur Napoléon I^er et couronnement de l’impératrice Joséphine dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 2 décembre 1804 est une gigantesque œuvre néoclassique de 621 centimètres sur 979. Lors du sacre, David, placé au premier rang, réussit à dessiner deux esquisses : la volonté de Napoléon est de représenter à la fois la magnificence de la cérémonie, mais surtout son geste où il se couronne lui-même. Cette œuvre doit également montrer l’union du peuple envers son empereur ; chose assez cocasse, puisque la désunion régnait dans la famille impériale et les sœurs de Napoléon ne voulaient pas porter la traîne de Joséphine.

David se met au travail dès 1805. Napoléon se rend souvent à l’atelier du peintre, mais il n’est pas satisfait, car il trouve que le geste manque d’élégance. Finalement, il demande à David de le représenter en train de couronner Joséphine. Si l’on s’attarde sur l’œuvre, on peut voir derrière la tête de Napoléon un portrait de Jules César et, entre les deux, un repentir de Napoléon se couronnant (un repentir est un terme utilisé dans l’art pour signaler la trace laissée par un peintre prouvant une version antérieure de l’œuvre). Puisque l’Empereur veut faire de ce tableau une œuvre de propagande, il insiste, par hybris, pour que le pape soit peint derrière lui, assis, sans mitre ni tiare.

Pour l’anecdote, la mère de Napoléon, Letizia, n’assiste pas au sacre, mais Napoléon demande à David de la représenter sur une tribune au centre de l’œuvre. Ce tableau est terminé en 1807 et Napoléon aurait dit en la voyant : « Que c’est grand ! Que c’est beau ! Quels reliefs ont tous ces ornements ! Quelle vérité ! On vit, on marche, on parle dans ce tableau ! ». Au-delà d’une œuvre de propagande, ce tableau est le seul témoignage artistique de ce qu’a été le sacre de Napoléon I^er. Ce tableau est aujourd’hui visible au musée du Louvre.

Le 2 décembre 1804, la France retrouve un monarque de droit divin. Napoléon, entouré de sa famille, de hauts dignitaires et du pape, envoie un message au monde : la France a un nouveau maître. L’Empire français se dote de nouvelles lois, d’un Code civil, d’une noblesse et sa « Grande Armée » est prête à marcher aussi loin qu’il le faut pour la gloire de ses aigles et de son empereur !