Le trésor de l’abbaye de Saint-Wandrille

Renfermant un secret équivalent à 3,755 kg d’or pur dissimulé habilement au XVIIIe siècle, l’abbaye de Fontenelle, fondée par saint Wandrille, est le théâtre d’une fantastique découverte. Il faut attendre la seconde moitié du XXe siècle pour que resurgissent des centaines de monnaies d’or.

La découverte

Le 11 mars 1954, les louveteaux de Saint-Wandrille font une sortie habituelle à la recherche de fleurs et de bourgeons dans les bois, en bordure de l’abbaye. En longeant les murs imposants de la bâtisse, un des scouts, Jean-Pierre Mazé, découvre un trou et pousse ses camarades à mener une vraie chasse au trésor. En suivant le mur de clôture de l’abbaye, les jeunes garçons découvrent une pierre murale portant un signe mystérieux. Un des louveteaux, Jacques Blot, descelle la pierre et met au jour une petite poterie scellée d’une feuille de plomb. Les scouts amènent la découverte à l’organisateur de l’expédition, le père Donaint. Trop excités à l’idée de découvrir encore d’autres cachettes, les jeunes garçons repartent examiner le mur et découvrent, à une dizaine de mètres de la cache précédente, une pierre au symbole identique : la seconde poterie et partie du trésor est ainsi découverte. Deux autres pierres identiques sont mises au jour et descellées sans trouvaille derrière. Trois heures après le début de l’incroyable expédition, le groupe déniche une cinquième pierre marquée qui contient un troisième trésor. L’ensemble de la découverte est amené chez un notaire pour réaliser un premier inventaire sommaire du magot et envisager le partage entre l’abbaye et les familles des jeunes découvreurs.

La composition du trésor

Les monnaies retrouvées datent toutes du règne du roi de France Louis XV. Il s’agit d’un ensemble de 501 monnaies d’or réparties en deux catégories : les louis aux lunettes (463 exemplaires) et les louis au bandeau
(37 exemplaires), ainsi qu’un exemplaire non classable car celui-ci a disparu à la suite des différentes manipulations. La totalité des monnaies s’étale sur une période allant de 1726 à 1748. Les deux ateliers les plus
représentés sont Paris, avec 156 monnaies, et Rouen, avec 61 monnaies (ce qui semble
logique, puisque l’abbaye est située à une trentaine de kilomètres de l’atelier normand) ; les 28 autres ateliers présents vont de 1 exemplaire (Besançon) à 25 monnaies (Nantes). À noter que des ateliers très éloignés géographiquement sont présents dans ce trésor : Pau, Aix-en-Provence, Montpellier, Perpignan ou encore Toulouse, pour ne citer que les plus au sud.
Si nous analysons les années présentes, la première année de frappe du louis aux lunettes est la plus présente avec 158 exemplaires (presque 1/3 du trésor !), tandis que plusieurs années ne sont représentées que par 1 exemplaire (louis au bandeau des années 1744, 1745 et 1748).
La vente et l’étude
Le 3 mars 1955, à Drouot, sous le marteau du commissaire-priseur Maurice Rheims après une expertise d’Émile Bourgey, les 304 exemplaires représentant la part de l’abbaye et de quelques découvreurs changent de mains pour 3,3 millions d’anciens francs (environ 80 000 euros). Les autres familles qui détenaient 194 monnaies ont visiblement écoulé les monnaies par leurs propres moyens.
En analysant le trésor, le total des monnaies représente une valeur nominale d’un peu plus de 12 000 livres, ce qui représente le patrimoine d’une personne aisée mais loin d’être riche. Les différents états de conservation relevés montrent que les monnaies ont été progressivement retirées de la circulation à partir de 1740. À cette époque, la menace anglaise plane sur les côtes normandes : les villes de Lorient et Quiberon sont attaquées en 1746 et la guerre de Sept Ans va bientôt commencer. L’inquiétude aurait poussé les moines bénédictins de la congrégation de Saint-Maur, installés dans l’abbaye depuis 1636, à multiplier les cachettes pour enfouir leurs économies.
Certains ont voulu voir dans les signes présents sur les pierres, indiquant les caches, des signes cabalistiques propres aux cachettes des Templiers. Ce trésor n’est évidemment aucunement lié à cet ordre qui suscite toujours autant de fantasmes.
Cette découverte est le fruit d’une belle chasse au trésor comme en rêvent tous les enfants. Le rêve a été concrétisé par ces louveteaux fort entreprenants…